La puissance affichée des algorithmes de matching et des outils d’analyse des micro-expressions font parfois craindre une automatisation complète du métier de recruteur et, donc, une déshumanisation progressive des processus de sélection et d’embauche.
Dans les faits, les progrès de l’intelligence artificielle tendent plutôt à être mis au service d’un recrutement plus attentif, au savoir-être des candidats et à leur personnalité, un recrutement qui s’avérerait être encore plus humain en fin de compte.
Un métier orienté résultats
Les recruteurs d’aujourd’hui sont mis à rude épreuve : loin de se contenter de l’ancienne formule « post and pray » qui consistait à poster une annonce et d’en attendre les fruits, ils doivent désormais prendre en compte l’ensemble du parcours candidat depuis la connaissance de la marque employeur, jusqu’au recrutement, en passant par les sites carrières et les processus de candidatures. Autant de tâches qui doivent faire l’objet de reportings chiffrés et qui demandent des outils d’un nouveau genre. Le paiement au CPC (Coût Par Clic) ou le paiement au CPA (Coût Par Acquisition) en sont l’une des conséquences les plus visibles. Toutes les actions du recruteur sont désormais orientées résultats utilisant également les réseaux sociaux et, en cela, son métier se rapproche progressivement de celui des professionnels du marketing.
Une présélection par les algorithmes
C’est pour faire face à cette volonté d’optimisation et de contrôle des coûts qu’ont été développés les outils d’intelligence artificielle et notamment les algorithmes de matching, sur lesquels reposent les moteurs de recherche spécialisés dans les offres d’emploi. Ces algorithmes permettent d’assurer la correspondance entre les candidatures reçues et les qualifications exigées par les entreprises recruteuses. En opérant une présélection antérieure aux premiers contacts entre candidat et recruteur, ils préviennent ainsi le risque d’avoir à trier des centaines de candidatures dont l’immense majorité sera sous-qualifiée.
Mais la machine ne peut pas tout faire
S’ils sont aujourd’hui centraux dans les processus de recrutement, ces algorithmes ont des limites qu’il est indispensable de connaître pour en faire un usage efficace et responsable. Parmi ces limites, figure notamment le risque de reproduire des discriminations en se calquant sur les préjugés des recruteurs précédents. Mais le principal défaut de ces outils est leur focalisation exclusive sur les hard skills, les compétences opérationnelles, techniques ou managériales, qui peuvent être déduites de l’analyse d’un CV. Or, ces compétences occupent une place de plus en plus secondaire dans les choix d’entreprises à la recherche d’un cocktail de hard-skills et de soft-skills.
Comme le confirme une étude récente : 71 % des Français feraient davantage confiance à un humain qu’à une intelligence artificielle pour recruter des salariés compétents. En effet, il ne faut pas non plus trop attendre de la machine, elle ne peut pas tout faire, la détection et l’évaluation des soft-skills reste l’apanage des recruteurs. Ces tâches particulièrement délicates ne sauront être réalisées par des algorithmes à court ou à moyen terme.
En libérant les recruteurs de cette tâche à faible valeur ajoutée qu’est l’analyse des CV sur la base des hard skills, les algorithmes de matching leur permettent de consacrer une plus grande part de leur temps à ce qui fait vraiment leur savoir-faire spécifique : évaluer l’adéquation des candidats avec la culture de l’entreprise recruteuse.
La sélection de candidats compétents sur le plan technique étant assurée par la machine, il ne reste plus aux recruteurs qu’à être les garants des qualités humaines des personnes embauchées au terme du processus de recrutement.